La fin du 19ème siècle fut le tournant le plus important de l'histoire de Nancy. Après une croissance phénoménale autant sur le plan politique et social que sur le plan économique, elle est devenue une "capitale industrielle et commerciale". Elle a en effet sus s'adapter aux progrès techniques et à l'augmentation considérable de sa population. Nancy est aussi devenue un foyer artistique connue nationalement et même internationalement.
Ce changement d'orientation de Nancy est donc perceptible dans plus d'une centaine de villas inspirées de l' École de Nancy. Nancy s'enrichit et les riches industrielles souvent venus d' Alsace souhaitent construire des maisons originales, donc dans le style Art Nouveau, même si d'autres préfèrent investir dans un style éclectique et sûr. Nancy est alors devenue un extraordinaire laboratoire d' élaboration d'un société nouvelle, avec une conception nouvelle de la ville; remarquable notamment par l'expérience du Parc de Saurupt, avec une véritable tentative d'urbanisme.
C'est ainsi que les succès commerciaux des objets de l'École de Nancy permettent à Louis Majorelle de confier à une jeune architecte de vingt-cinq ans, le projet de sa villa.
LA VILLA MAJORELLE
Conçue en 1898 par l'architecte parisien Henri Sauvage(1873-1932), la Villa Majorelle, du nom de son célèbre commanditaire, est construite entre 1901 et 1902. Elle est d'amblés considérée comme une des réalisations les plus significatives de l'art nouveau à Nancy. En effet elle est le résultat d'une collaboration originale entre un architecte et un industriel d'Art, symbolisant en quelque sorte la rencontre du "monde de la création et celui de la production" .
Au départ cette villa construite sur un terrain d'un hectare se trouve dans un quartier en dehors de la ville, en bordure Ouest, près de l'endroit où Louis Majorelle fait implanter ses nouveaux ateliers. Il choisit donc de construire une villa art nouveau et non un château familial, chose courante; ce choix montre donc l'évolution de la conception de l'habitat bourgeois, et ce qui permet à Majorelle de créer une maison pouvant accueillir ses meubles visant une même démarche.
Depuis la façade les pièces qui constituent cette maison, sont visibles; cela montre le souci de l'architecte d'un plan intérieur évident et donc pratique. De ce fait les quatre façades de la maison sont différentes et répondent aux différents besoins de lumière en fonction de la journée. Cette absence de symétrie permet une extraordinaire liberté stylistique, à la fois une richesse des formes et une fascinante harmonie qui entoure la maison. Le thème florale est présent partout dans la villa, aussi bien à l'intérieur que à l'extérieur, sous les formes et les matériaux les plus divers. On retrouve par exemple le thème de la monnaie du pape sous des formes variées, présent à la fois sur le parvis et dans le vestibule. Il y a aussi la diversité des matériaux utilisés, ne ce serait ce que pour la façade, constitué à la fois de calcaire, de brique, de grès émaillé. Cette maison illustre bien le fait que l'Art nouveau est un art "total", réunissant bon nombre de savoirs faire, comme celui de l'architecte bien sur, mais aussi celui de Majorelle pour le mobilier et le travail du bois, celui de Gruber pour les vitraux, encore de Sauvage pour les céramiques...
Cette maison, qui au premier abord pouvait paraître une maison se voulant bourgeoise, en réalité ne l'est pas. On remarque que la préoccupation principale est la recherche d'un certain fonctionnalisme, mais mêlé à une forte recherche esthétique et symbolique. Une des preuves que Majorelle ne cherchait pas à montrer sa puissance est que l'entrée majestueuse sur la façade Nord se trouve face au jardin, et que l'entrée visible de la rue est celle de la plus banale façade, celle de l'entrée des domestiques. Le jugement d'autrui n'a d' ailleurs jamais préoccupé Majorelle qui recherchait avant tout l'harmonie d'une construction et un certain idéal propre de conception d'une maison. La villa Majorelle est donc un des meilleurs exemple de la volonté d'une nouvelle vision de l'habitat grâce à un Art total et pluridisciplinaire à l'image des artistes de l'École de Nancy.